La Banque nationale de Belgique (BNB) souligne que le comportement & la culture deviendront désormais des éléments essentiels de la surveillance des banques. Outre les règles formelles, les autorités de surveillance souhaitent mettre l’accent sur l’intégrité et les valeurs afin de limiter les comportements à risque et les cultures malsaines au sein des établissements bancaires et de crédit.
Nicolas Strypstein, conseiller au département Stabilité financière, contrôle AML et politique prudentielle des banques de la BNB, a rédigé un article très clair à ce sujet.
Les banques exercent un rôle crucial dans l’économie et le système financier. Elles recueillent les dépôts de leurs clients et octroient en contrepartie des crédits à plus ou moins long terme. Ces opérations nécessitent une grande confiance dans leur solvabilité et leur stabilité.
Un accent plus spécifique sur les aspects « Behaviour & Culture »
Pour renforcer la confiance dans le secteur bancaire, les mesures destinées à assurer une bonne gouvernance de leurs activités revêtent une importance croissante. Elles sont essentielles pour garantir la saine gestion des banques et pour maintenir la confiance du public, de leur clientèle et du système financier.
Ces mesures concernent un vaste champ d’éléments d’organisation et de contrôle interne des banques et sont de nature plutôt structurelles (ou formelles). Elles font l’objet d’une régulation européenne de plus en plus poussée. Il s’agit notamment de la composition des organes de gestion, de la mise en place de fonctions de contrôle indépendantes, du contrôle de la rémunération ou de la politique de sécurité ICT
Désormais, un accent plus spécifique est mis sur les aspects « Behaviour & Culture » (« comportement et culture ») et vise les aspects plutôt informels. L’objectif est de répondre à diverses observations faites récemment au niveau européen et international lors de défaillance d’établissements de crédit trouvant en partie leur origines dans certains comportements à risque des dirigeants. Les standards européens et internationaux de supervision, dont notamment la Banque centrale européenne (BCE) et le Comité de Bâle, encouragent désormais les contrôleurs prudentiels à intégrer les aspects « Behaviour & Culture » ou « Risk Culture » dans leur contrôle de la gouvernance des banques.
L’inclusion de ces aspects dans la gouvernance s’inscrit également dans un mouvement plus global de renforcement de l’importance de l’intégrité dans le secteur bancaire destiné à améliorer la confiance du public, mouvement qui est aussi à l’origine d’autres initiatives récentes telles que l’accentuation des contrôles « Fit & Proper » réalisés par BCE et la Banque nationale de Belgique (BNB) à l’égard des hauts dirigeants des banques ou l’introduction d’un serment et régime disciplinaire bancaire.
Qu’entend-t-on par « Behaviour & Culture » ?
La notion de « Behaviour & Culture » désigne un ensemble de valeurs, normes et connaissances partagées au sein d’une entreprise et qui façonnent la manière dont les dirigeants et leurs collaborateurs prennent chaque jour leurs décisions.
Plusieurs référentiels existent pour définir plus en détails la notion de « Behaviour & Culture » et préciser ses composantes. Sur la base des référentiels les plus reconnus, on peut considérer que cette notion englobe les éléments suivants :
1) Tonalité au sommet
La banque réserve-elle une attention suffisante au style de leadership de ses dirigeants, afin d’éviter, par exemple, la présence d’un CEO dominant ? Comment la banque s’assure-t-elle que la voix de tous les administrateurs est entendue lors des réunions des organes de gestion ? Le climat des réunions de ces organes peut-il être considéré comme collaboratif / confrontationnel / éludant les conflits ? Un consensus est-il trouvé rapidement ? Quelles mesures sont prises pour répondre au besoin de diversité au sein de ses organes en vue d’éviter notamment la pensée de groupe ?
2) Culture du risque et communication effective
Des valeurs et une culture d’entreprise ont-elles été définies ? Quels leviers la banque utilise-t-elle pour faire évoluer sa culture d’entreprise ? Quelles mesures sont prises pour promouvoir une communication ouverte, transparente et efficace à tous les échelons hiérarchiques ? La collaboration entre les départements et les équipes est-elle encouragée ?
3) Responsabilisation en matière de risques
Quelles mesures la banque a-t-elle prises pour responsabiliser de manière individuelle ses hauts dirigeants quant aux risques qu’ils prennent ? La banque encourage-t-elle les comportements vertueux et décourage-t-elle ceux à risque ? Les violations au cadre d’appétence aux risques de la banque sont-elles systématiquement remontées aux organes de gestion ?
4) Encadrements incitatifs
La rémunération octroyée aux hauts dirigeants de la banque prend-elle en compte des objectifs de type comportemental ? La banque dispose-t-elle d’un cadre disciplinaire où les fautes et les manquements en matière d’intégrité des collaborateurs sont correctement identifiés et sanctionnés ? Le canal de « whistleblowing » mis en place au sein de l’établissement peut-il être utilisé pour des problèmes de comportements des dirigeants ?
Ces éléments sont à évaluer au cas par cas en respectant le principe de proportionnalité.
Que fait la BNB en matière de « Behaviour & Culture » ?
L’intention de la BNB n’est pas d’introduire de nouvelles règles prudentielles, mais plutôt d’évaluer le mode de fonctionnement des banques et d’encourager l’adoption de procédures, règles internes et mesures opérationnelles qui reflètent les préoccupations citées plus haut.
L’analyse du cadre actuel montre que si certains éléments sont déjà contrôlés aujourd’hui par la BNB et la BCE, il n’y a pas encore de cadre de contrôle spécifique dédié à ce sujet.
Dès lors, plusieurs initiatives ont été lancées par la BNB pour évoluer sur ce sujet. Ainsi, en 2024, la BNB a réalisé une enquête auprès de quelques grandes banques pour évaluer les mesures qu’elles ont déjà prises en termes de « Behaviour & Culture ».
L’une des pistes envisagées par la BNB est de développer une « boîte à outils » facilitant le contrôle des aspects « Behaviour & Culture ». Elle aurait pour objectif d’aider concrètement les équipes de supervision prudentielle en leur fournissant une série d'outils flexibles. Ceux-ci permettraient d’identifier et de traiter de manière proactive et « risk-based » les problèmes de culture d’entreprise.
A titre d’exemples, voici quelques pistes possibles :
- Mise en place d’une jurisprudence interne qui regroupe dans une base de données tous les problèmes de « Behaviour & Culture » identifiés (CEO dominant, organes de gestion dysfonctionnels, organisations non-transparentes, etc.).
- Possibilité pour la BNB de participer aux réunions des organes de gestion des banques en tant qu’observateur.
- Développement d’un outil basé sur l’intelligence artificielle et qui permettrait d’analyser les procès-verbaux des organes de gestion des banques et de fournir des grandes tendances en termes de « Behaviour & Culture ».
- Révision des programmes d’inspection « gouvernance » pour mieux intégrer les aspects « Behaviour & Culture ».
- Prise en compte des aspects comportementaux dans le contrôle « Fit & Proper » des dirigeants non seulement lors de leur entrée en fonction mais aussi de manière continue tout au long de leur mandat.
« Grâce à ces nouveaux outils, la BNB entend améliorer la manière dont elle supervise la gouvernance des banques et ainsi solidifier leur résilience et leur capacité à faire face à des crises futures.»
- Nicolas Strypstein, conseiller à la BNB
L’intégration des aspects « Behaviour & Culture » dans la notion de gouvernance ne devrait pas entraîner une révolution des règles prudentielles belges mais constitue une évolution du contrôle prudentiel. Il est dorénavant attendu des hauts dirigeants des banques qu’ils soient attentifs aux questions de culture d’entreprise et de comportements.
La mise en place au sein des banques d’une culture d’entreprise saine, qui intègre la dimension comportementale dans leurs processus de gestion et qui responsabilise leurs hauts dirigeants aux risques qu’ils prennent, sera très certainement un des éléments qui permettra d’assurer la stabilité du secteur financier.
« Behaviour & Culture » dans la gouvernance des banques